Déplacement chez les bouffeurs de tartes

Publié le par Foot Fact

Réveil à 6 heures un samedi matin. Objectif : traverser Londres du nord-ouest vers le sud-est et rejoindre Selhurst Park, l'antre de Crystal Palace pour le départ du bus à 8 heures. Direction... Le nord-ouest, Wigan, pour les 16es de la Cup, le "4th round proper", le "4e vrai tour", ceux avant sont de la blague...

De Londres, il faut compter plusieurs heures pour rejoindre le stade du tenant du titre, le DW Stadium, dans la banlieue de Manchester. DW pour Dave Whelan, le propriétaire du club, un proche du Parti conservateur qui avait demandé une minute de silence dans tous les stades à la mort de Thatcher.

Un bus tout calme

Départ donc à 8 heures, horaire respecté par tous les supporters, excepté deux retardataires. Les trois grands bus et un plus petit traversent la capitale en toute quiétude. L'indication "no alcohol" sur le ticket de bus est pleinement respectée. Pas de chants, ni de personnes debout parmi les familles, séniors et majorité de jeunes à faire ce déplacement. Les loustics du fond se jettent juste une paire de pintes à tour de rôle dans les toilettes du bus. Retour au collège. Avec son film bon enfant à l'avant du bus. "Last Vegas", quatre barbons (Freeman, De Niro, Douglas et Kline) entourés de nanas en bikinis, la seule action de ce trajet.

Pause vers 11 heures et rencontre avec les supporters de Watford – banlieue nord de Londres - qui partent prendre une raclée annoncée à Manchester City, finaliste l'an dernier à Wembley. Watford aussi a été finaliste l'an dernier. Des play-offs d'accession à la Premier League. Une défaite en prolongations 1-0 contre... Crystal Palace.

Pas de chambrage ni de mot plus haut. Juste un petit sourire en coin de Trevor et Bradley, deux supporters de Palace à la bonne bedaine, à l'évocation de ce souvenir. Ils y étaient. Ils y sont toujours en fait. "On sait que Palace ne va pas jouer la Cup à 100%. Cette année c'est le maintien, mais bon on va à tous les matches", assure Bradley.

Brighton, encore Brighton

Pas de clash avec les jaunes de Watford dont l'ambiance dans le bus ne semble guère plus folle. Bradley garde sa haine pour Brighton : "Eux vraiment on les déteste, c'était tellement bien de les battre en demies des play-offs l'an dernier. Ils veulent tout faire comme nous. Quand on a changé notre nom de "Vitriers" ("Glaziers") à "Aigles" ("Eagles"), ils ont changé eux aussi. Avant leur nom c'était les "Dauphins" ("olphins"), ils sont passés à "Mouettes" ("Seagulls") en opposition avec nous."

Sur Brighton, Bradley est inarrêtable dans sa taille : "Pareil pour les couleurs du maillot. Quand on a changé du bordeaux-bleu ciel au rouge et bleu foncé, ils sont passés du bleu et blanc au simple bleu. Ils nous copient, c'est tout." Les bus doivent repartir, et notre supporter n'a pas le temps de me dire combien il est heureux que Brighton n'est pas parti pour copier l'accession en Premier League.

"Pie-eaters"

A une centaine de kilomètres de Manchester commence à tomber la pluie. Continuelle jusqu'au stade où le chauffeur ironise sur l'horaire de départ : "A 17 heures si on n'est pas submergé." Sur le parking visiteur, les bus sont rejoints par multiples voitures. Rapide balade autour du stade isolé dans une zone industrielle.

Et un plan de l'enceinte est gribouillé de Pie-eaters (bouffeurs de tartes). Cette expression ne vise pas le public de la tribune officielle sur laquelle c'est écrit. C'est plutôt une insulte visant toute la population de Wigan. En 1926, une grande grève avait éclaté dans les puits des mines de Wigan et de Leigh. Les mineurs wiganais stoppent la grève tandis que ceux de Leigh la poursuivent. Et triomphent en obtenant une augmentation de salaire, évidemment non accordée à leurs voisins (encore un coup du patronnat pour diviser les travailleurs!), leur laissant dans l'assiette à ne manger que "d'humbles tartes".

Cette modestie ne se retrouve pas dans la salle réservée aux supporters adverses, qui sert aussi de salle d'évènements (conférence, mariages,...). Une vaste pièce de 100 mètres par 30 avec deux bars, écran géant, tables aux nappes blanches, moquette au sol. La grande classe, Wigan sait recevoir. Les visiteurs le rendent bien. "En plus de 14 ans, nous n'avons jamais eu de problème, rien n'a été cassé, ou endommagé, les gens sont très respectueux", confie l'un des hommes de la sécurité en costard.

Très respectueux, les joueurs de Crystal Palace le sont aussi sur le terrain. Wigan, éliminé en Europa League, dans le ventre mou en Championship, n'a plus que la coupe pour donner du piment à sa saison, et domine la 1e période.

Dans un stade avec une tribune vide, la clameur vient clairement des quelque 1500 à 2000 supporters des Eagles. Qui n'hésitent pas à chambrer les locaux en les applaudissant quand ils chantent. Et leur rappellent "you only have two stands!" ("Vous n'avez que deux tribunes").

Callum le boucher

Mais dans le jeu, l'ouverture du score de Ben Watson sur un centre de James Mc Clean (36e) est tout à fait logique. 2e coup dur pour les Londoniens, une minute après, Callum Mac Manaman rappelle qu'il est un bourrin.

Peut-être vexé de ne pas avoir signé à Palace cet été malgré une offre de 5 millions de livres (6 millions d'euros), ou est-ce pour épater Roy Hodgson qui a confirmé en novembre qu'il le suivait même s'il joue en 2e division, celui qui avait failli casser la jambe de Massadio Haïdara l'an dernier envoie Jonathan Parr sur la touche en civière, inconscient et avec minerve. "Il n'a pas fait exprès, mais il paye encore sa réputation pour ce tacle sur Haïdara il y a un an", défend son entraîneur Uwe Rösler. Même si Parr n'a finalement rien eu de grave, le voir sortir sous oxygène laisse quand même penser que Callum est aussi lointain de Steve dans la généalogie familiale que dans la finesse...

Marc-Antoine Fortuné, le fair-play

En 2e période, double sortie de Chamakh et Cameron, preuve que Tony Pullis préfère les garder frais pour le championnat. L'occasion pour Aaron Wilbraham, le remplaçant de se montrer. Il égalise trois minutes après son entrée, concrétisant un sursaut d'orgueil des siens.

Joie de courte durée. Moins de dix minutes plus tard, James Mc Clean redonne l'avantage à Wigan sur une contre-attaque. 2-1. Wigan passe en 8es. Les supporters de Palace ont tout donné. Pas rancuniers, à peine le coup de sifflet final a retenti, ils applaudissent leurs joueurs, qui leur rendent. Et parmi eux, Marc-Antoine Fortuné, rentré en 2e période pour Wigan, applaudit longuement la tribune occupée par les Eagles. Rien ou presque pour son public, à s'en demander s'il ne se trompe pas.

Sur le chemin du retour, la pause se fait sur la même aire d'autoroute. Rencontre de nouveau avec les supporters de Watford. Chacun se raconte sa désillusion. Sauf que eux ont failli faire le gros coup du mois voire de l'année. Menant 2-0 à la mi-temps à City, ils se sont écroulés pour perdre 4-2.

Arrivée à 22H40 à Selhurst Park, au domicile à minuit. Et une journée entière passée assis. À l'exception de 90 minutes.

Déplacement chez les bouffeurs de tartes
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Publié dans Away

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