Voyage dans la Comté de Premier League

"Tu vois, Fulham, c'est vraiment le club des Hobbits", affirmait George, un supporter de West Ham, en début de saison quand je lui en demandais plus sur l'histoire du derby Chelsea-Fulham. Et difficile de le contredire. S'il y a bien un endroit de Premier League qui se rapproche le plus de la Comté du Seigneur des Anneaux, c'est bien Craven Cottage. "La petite maison du lâche" littéralement a tout d'un décor merveilleux où on n'imagine même pas une seconde qu'il puisse s'y terrer un hooligan.

Promenade le long de la Tamise

Sud-ouest de Londres, sortie de métro Putney Bridge sur la District Line. Deux stations après Fulham Broadway, où se trouve Stamford Bridge, l'antre de Chelsea, deux clubs si proches et si distincts. Fulham cultive un certain particularisme comme les fleurs qui ornent le Bishop's Park avant le stade.

Mais reprenons à la sortie de métro. Beaucoup de familles avec des enfants en bas âge font leur promenade dominicale avant d'aller voir leur équipe. Pas de bière dans les mains ou peu au passage devant l'église All Saints Fulham. Deux chemins possibles, l'un à l'intérieur du parc, l'autre au bord même de la Tamise.

Sous un beau soleil, chacun marche à un rythme tranquille, prenant le temps de regarder les bateaux à voile sur le fleuve. Fontaine, espace de jeux pour enfants, courts de tennis, carré vert, on se croirait presque dans un monde enchanté.

Johnny Haynes vs Mickael Jackson

Arrivée au stade, difficile de faire plus à l'ancienne, de la bonne vieille brique rouge. Mais pour contredire Benoît Poelvoorde, pas de violence ni de magouille ici. Comme partout en Angleterre, Fulham a la statue d'une de ses légendes, Johnny Haynes, buteur dans 50's et 60's.

Mohamed Al-Fayed, l'ancien propriétaire, devait la trouver vieillotte. Il avait donc fait ériger une autre statue, en couleur, de Michael Jackson. Cette horreur de deux mètres trente, située au dos de la tribune Hammersmith End a été enlevée en septembre dernier par le nouveau patron, Shahid Khan, au bonheur des Cottagers.

Même si Fulham est au fond du seau (une victoire sur les sept derniers matches avant cette rencontre contre Southampton), la billetterie est close, guichets fermés. Julio, un des stadiers, n'est guère étonné : "C'est comme ça à chaque match. C'est toujours blindé ici!" Il concorde sur la beauté du site : "Regarde la plaque, 1880, il est très vieux ce stade, ils ont gardé les maisons d'origine."

100 pounds le billet

A quelques mètres de la billetterie, un supporter tente de revendre pour l'occasion trois des quatre abonnements annuels qu'il a : "Mes enfants ne peuvent pas venir, j'en ai pour 45 pounds par personne sur ce match." Un père et son fils adolescent hésitent. "Bon, pour le petit, c'est moitié prix, 23 pounds." Insuffisant pour convaincre. "C'est trop cher", refuse le père. Les policiers ne cherchent guère des noises, surement tout heureux de travailler sur un match à zéro risque.

Plus loin, les enchères sont montées. "Mec, ce match est plein. C'est 100 pounds et tu es super bien placé!" Au fur et à mesure des minutes, certains font baisser les prix et un touriste s'en tire pour 30 pounds, pour un billet qui en valait dix.

L'intérieur est semblable à l'extérieur. Pylônes, gouttières, la Tamise en fond, au-dessus de l'entrée des joueurs, la tribune est une maison! Et chacun des autres angles est du style d'un balcon de HLM. Le jeu de Fulham en revanche est blême. Des chandelles en défense, des passes qui filent en touche,... Artur Boruc doit quand même sortir quelques beaux arrêts pour préserver le score sur quelques contre-attaques.

"C'est Rickie Lambert, il va au Brésil!"

En 2e période, les Saints, qui peuvent compter sur un public qui a rempli sa tribune visiteur, tuent le match en onze minutes. Tout d'abord Adam Lallana sur une contre-attaque trompe Maarten Stekelenburg d'un tir croisé du gauche (64e).

Puis l'international Rickie Lambert est seul dans la surface pour doubler le score (70e). Ovation des supporters de Southampton : "He goes to Brazil, he goes to Brazil, he is Rickie Lambert, he goes to Brazil!" ("Il va au Brésil, il va au Brésil, c'est Rickie Lambert, il va au Brésil!"). Enfin, sur une nouvelle contre-attaque, Jay Rodriguez promène Brede Hangeland et envoie un tir enroulé à l'entrée gauche de la surface qui finit dans la lucarne opposée.

Il reste 15 minutes à jouer, mais les tribunes se vident déjà. A défaut de jeter l'anneau, la Comté et sa défense gruyère risquent de bientôt devoir jeter l'éponge. A moins que ce ne soit l'entraîneur René Meulesteen qui soit jeté en premier.