Brentford, un stade bien anglé

Publié le par Foot Fact

Brentford (League One, 3e division) est unique en Angleterre. Ou plutôt le stade de Brentford est unique en Angleterre. C'est la seule enceinte où à l'extérieur il y a un pub à chaque coin de rue. Le Griffon, le Chêne royal, la Nouvelle Auberge, la Princesse royale. Ici, ce sont les angles qui arrondissent...

En Cup contre Staines Town (Conference, 6e division), les Abeilles (surnom de Brentford) n'ont pas visé ces poteaux-là. Victoire 5-0 qui peut les faire rêver de retrouver un gros de la Premier League. Et pourquoi pas le faire douter, comme l'an dernier, quand ils avaient mené 2-1 contre Chelsea jusqu'à la 83e minute.

Le sosie de CR7

Les premiers supporters croisés à l'arrivée en gare de Brentford dans la banlieue londonienne sont des supporters adverses. Pas vraiment pour Staines Town, plutôt pour soutenir leur ami, avant-centre du petit poucet. «Louie Theophanous, il a marqué 13 buts en 13 matches», s'exclame l'un d'eux.

Et ce numéro 9 a déjà eu droit à sa photo dans le Sun, à côté de Cristiano Ronaldo, s'il vous plaît. « Tu me crois pas? Regarde! C'est parce que c'est un sosie! Il a déjà fait quelques pubs pour Nike. Et tu vas voir, sur le terrain, il technique, rapide et puissant. » Fast and Furious, comme Ronaldo en somme. Pendant que ses amis cherchent un bookmaker où parier qu'il va en claquer au moins un, le pub The Griffin se remplit.

«Des fois nous sommes trop charitables»

Blindé à un peu plus d'une heure du coup d'envoi. Des familles, des jeunes, des papis se jettent quelques pintes avant d'espérer voir la même chose qu'en championnat. En League One, les leurs sont en haut du tableau, en position pour jouer les play-offs d'accession au Championship (2e division). «Ce sera un match facile», s'empresse de dire Bob, la soixantaine passée. Son fils le calme: «Ouh, rien n'est facile avec nous...»

À côté de Bob, son ami Anthony, dont les cheveux blancs annoncent une décennie de plus que son ami. Mais l'humour bien placé: «L'entrée est à 12 pounds. Mais pour nous, ce sera 5, grâce à notre âge!»

La discussion dévie sur les «poppies» (coquelicots) que les Britanniques achètent en papier et placent sur leur veste en hommage aux soldats tombés pendant la 1e Guerre mondiale. Chacun donne ce qu'il veut à ceux qui les vendent - des bénévoles - les frais sont reversés aux associations d'anciens combattants.

La charité est largement pratiquée. «Des fois nous sommes trop charitables», continue d'ironiser Anthony, vrai pince sans-rire. Avec Bob, ils partent rejoindre leur tribune. «On ne sera pas déçu quel que soit le résultat», lâchent-ils à voix basse dans un dernier sourire, étant donné qu'ils ont joué à Staines Town dans leur jeunesse (Bob était avant-centre et Anthony milieu).

Le trio francophone

Là-dessus surgit Phil, à la barbe roussie. Seul mais avec trois pintes à sa table, de quoi intriguer... Sa copine a vécu à Paris, il parle rapidement dans un bon français. Arrive son beau-frère, qui parle aussi français sans y avoir vécu non plus. Sasha, le 3e larron (le compte est bon), est russe, parle anglais comme s'il y était né. Et un très bon français. Ils ne peuvent habituellement pas suivre Brentford le week-end jouant dans leur club amateur. Phil en chuchote: «C'est la première fois de la saison que je vais au stade, mais il ne faut pas le dire ici, chut...»

Unique pour ses pubs aux quatre coins, le Griffin Park est similaire à bien d'autres stades anglais avec ses maisons accolées, sur lesquelles poussent un lierre rougeâtre, au pied du mur un supporter au pull Brentford tricoté. Et des distributeurs de prospectus qui refusent la création d'un autre stade même si le club monte d'un échelon. Le Griffin Park est historique.

Arrivée des joueurs sur la pelouse accompagnés d'une cacophonie trompettique de la sono. Dans les gradins, la minute de silence est chahutée pendant la première seconde, les 59 autres donnent lieu à un silence de mort. Les 5263 personnes du stade se taisent toutes. Sans exception.

Gayle le Reggae Boyz

Sur le terrain, les joueurs de Staines Town jouent crânement leur chance dans le premier quart d'heure malgré trois divisions d'écart. Leur entraîneur, Marcus Gayle, a tout fait pour les déstresser. Le coach, au patronyme d'auteur intellectuel jamaïcain, est connu pour avoir écrit sûrement la plus belle page du foot au pays d'Usain Bolt. Il était de la campagne des Reggae Boyz en France en 1998 et a joué lors de la victoire contre le Japon (2-1), la seule jamaïcaine à ce jour en Coupe du Monde.

Ancien attaquant de Brentford avec qui il a été champion de D3 en 1992, Gayle a déclaré la veille dans la presse faire appel à un psychologue pour libérer ses joueurs afin qu'ils jouent un mauvais tour à son ancien club.

Brentford refait surface vers la 20e minute. Sur leur première occasion, les locaux obtiennent un penalty pour une main du capitaine Lewis Ferrell, transformé par Andy McCormack. Joie mesurée en tribunes. Dès lors les rouge et blanc déroulent. Kadeem Harris percute sur l'aile gauche. Il tue le match en trois minutes.

«Vous ressemblez au Brésil mais vous êtes de la merde!»

L'ailier est à l'origine d'un mouvement collectif parfait, une une-deux en une touche de balle, suivi d'un centre au sol pour Jake Reeves, 2-0. Puis 3-0 à la 38e, Harris prend la balle à 40 mètres du but, dribble et à 25 mètres envoie une prune dans la lucarne de Kyle Merson. Ambiance paisible cependant. Quand sur une décision arbitrale douteuse un énergumène s'écrie: «fuck off referee» (l'arbitre enc...) Un couple de personnes âgées devant lui semble consterné...

Comme l'alcool en tribunes est interdit, la buvette est prise d'assaut à la pause. Et il faut se remplir pour ne pas avoir à y revenir avant la fin. Au risque que la pinte et demie déborde sur la reprise. Et fasse rater le 4e but, de l'Italien Marcello Trotta.

Louie Theophanous se démène et montre des qualités techniques indéniables. Petit pont, passement de jambes, coup de rein au démarrage,... Il serait étonnant qu'il reste en Conférence.

4-0, avec un beau soleil couchant. Il ne reste plus qu'à écouter l'imagination de Phil. Staines Town joue en maillot jaune, short bleu et chaussettes blanches... «Vous ressemblez au Brésil mais vous êtes de la merde», s'égosille-t-il. Tout en applaudissant la sortie de ses adversaires lors des remplacements. A l'Anglaise.

Tour d'honneur

Il ne rate pas non plus ceux de son camp. George Saville est prêté par Chelsea, il joue milieu défensif, mais ce qui intéresse Phil, c'est son nom. Homonyme de Jimmy Savile, un ancien présentateur télé d'une émission pour enfants sur la BBC. Le principe était simple, les mômes voulaient réaliser un rêve en rencontrant quelqu'un de connu. Avant que le bambin ne voie son souhait accompli, le showman criait: «Now then!» (alors maintenant!). Jimmy Savile est mort il y a deux ans. Après son décès, des dizaines, voire des centaines de cas de pédophilie ont été révélés (en même temps, quand on voit sa tronche...). Un énorme scandale.

Quand George Saville touche le ballon, il entend une voix solitaire: «Now then!» Auto-dérision sur son club, humour british, une dose de culture, de la pure Cup.

Dans les arrêts de jeu, sur un corner, Clayton Donaldson clôt le score d'une talonnade. Victoire tranquille 5-0. Les joueurs font un tour d'honneur sur la pelouse. Les supporters en font un aussi, mais à l'extérieur du stade.

Brentford, un stade bien anglé
Brentford, un stade bien anglé
Brentford, un stade bien anglé
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Publié dans Away

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